Pour poursuivre sur … la rose !
Quoi de plus simple que de voir ?
C’est la vie même.
La compréhension n’est pas tout, ni le but ultime.
Il se pourrait qu’il n’y ait rien à comprendre, au fond, si ce n’est cela même : qu’il n’y a rien à comprendre !
« La solution de l’énigme, disait Wittgenstein,
c’est qu’il n’y a pas d’énigme. »
On peut bien expliquer l’arbre, (la rose, …) par ses causes,
par sa structure,
par les mécanismes qu’il met en jeu, les échanges qu’il entretient avec son environnement, etc.
Mais le comprendre, non : il n’y a rien à comprendre,
et c’est pourquoi aucune théorie ne saurait remplacer la simplicité du … regard.
« La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit,
N’a souci d’elle-même, ne désire être vue … »
Angelus Silesius
Et sans doute c’est très compliqué, une rose.
Mais comme c’est simple pourtant !
La rose est là : il serait dommage que la botanique par exemple nous empêche de la voir et de l’aimer comme elle est – simplement.
Ainsi le réel serait simple, ou du moins le sage ne devrait en retenir que la simplicité.
Le monde infiniment riche et varié n’a rien à cacher ni à montrer, ou plutôt rien d’autre à montrer que lui-même.
Le réel est ce qu’il est, simplement.
Woody Allen : « La réponse est oui ; mais quelle peut bien être la question ? »
Il n’y a pas de question, et c’est pourquoi la réponse est oui :
c’est le monde même.
Les mystères sont en nous, en nous les problèmes et les questions.
Le monde est simple parce qu’il est l’unique réponse aux questions qu’il ne se pose pas : simple comme la rose ou le silence.
Pourquoi chercher ce que les choses ne sont pas !
Pourquoi vouloir enfermer (bavardage philosophique) le réel, la richesse du réel, dans nos pauvres abstractions ?
« « L’objet », « le sujet », dites-vous – du vent !
Il n’y a pas d’ »objet », pas de « sujet », il n’y a pas de « couleur »,
de « parfum », et il n’y a pas de « rose » !
Tout cela ce ne sont que des mots.
Nominalisme radical : l’abstraction n’existe que dans et par le langage.
C’est pourquoi le réel est simple, d’une simplicité qui n’est pas celle d’une idée, mais celle de la singularité nue et de l’identité à soi.
C’est quand nous essayons de ramener cette richesse et cette singularité du divers à nos concepts que tout, en effet, devient compliqué : parce que le réel excède de toute parts le peu que nous pouvons en penser !
Raison de plus pour ne pas se contenter de penser, et pour apprendre à voir, c’est-à-dire à s’abandonner, silencieusement, à l’inépuisable simplicité du devenir.
Q : Qu’est-ce qu’une rose simplement regardée peut donc m’apporter ?
R : Rien, tout : elle-même.
Extrait :
André Compte-Sponville
Castor