Jean-louis fait ce jour, la une de tous les journaux.
Dans les magazines « people », les photos illustrent l’histoire de cette famille belge bien connue.
Françoise, la mère de Jean-Louis, fille d’un célèbre écrivain de la bourgeoisie gantoise francophone et écrivain elle-même, sourit aux bras de son époux, le jour de son mariage.
Le profil sombre du père de Jean-Louis, ancien Ministre de l’Economie, est également représenté.
François R. était un alcoolique notoire dans le monde politique.
Il avait à maintes reprises, usé de comportements violents à l’égard de sa femme et de ses enfants. Nombre d’accidents commis par l’homme en état d’ivresse et aggravés du délit de fuite avaient été- les loups, à cette époque, ne se mangeaient pas entre eux -, habilement étouffés.
Françoise s’était même éloignée à Boston un temps, avec Jean-Louis enfant.
Leur vie avait néanmoins reprit un cours apparemment normal et Jean-Louis avait poursuivi des études de journalisme à Paris avant de se faire un nom dans un grand quotidien bruxellois.
on le voit, dans les années 70, haranguant les ouvriers en grève rassemblés autour de lui ou manifestant dans la rue, en tête du groupuscule politique de gauche qu’il avait fondé.
C’était l’époque où l’esprit de Sartre et de Simone de Beauvoir planait encore sur Saint Germain des Prés et Jean-Louis était rapidement devenu une figure montante du journalisme belge, auréolé en outre par sa collaboration, alors qu’il était encore étudiant, avec le quotidien français « Libération ».
Et aujourd’hui, Jean-Louis est poursuivi en justice pour le viol d’une jeune femme.
La Chambre du Conseil n’a pas prononcé la détention préventive.
Je suis abasourdie.
Voilà une petite dizaine d’années que je n’ai plus vu mon ex compagnon et n’ai plus reçu de ses nouvelles. Je décide néanmoins de le joindre sur le champ.
C’est à l’immeuble où est situé son bureau que je me rends, ce soir même, alors qu’en toute vraisemblance, Jean-Louis doit se trouver à son domicile.
Mais à présent, j’ignore tout de lui, où il habite, avec qui il vit.
Aux abords de l’immeuble, dans la rue sombre et déserte, quelqu’un m’aborde pour me demander si cette rue correspond bien à l’adresse du bureau de Jean-Louis.
Intriguée, c’est moi qui, pour toute réponse, pose quelques questions et apprends assez rapidement que la jeune femme qui se trouve en face de moi est celle là même qui aurait été violée par Jean-Louis.
Je décide de ne pas porter davantage attention à la dame mais lorsque je montre ma carte professionnelle au garde de sécurité de l’immeuble, je lui dis que cette jeune personne m’accompagne.
Arrivée au milieu d’un couloir, à l’avant dernier étage du bâtiment silencieux, moquette sombre éclairée de lumière indirecte, j’ouvre une porte sur ma droite et me fige à l’entrée du bureau.
Jean-Louis est là, à deux mètres de moi.
Il semble dormir, le corps recroquevillé, mi couché, mi assis, sur les sièges de deux bergères posées face à face, un drap blanc chiffonné, posé sur lui.
Je m’approche et m’agenouille, le cœur battant, auprès de cet homme que j’ai peine à reconnaître.
Ses cheveux longs pendent épars sur ses épaules, son visage s’est épaissi.
Il se réveille instantanément et braque sur moi un regard profond, égaré. Où est l’homme à la démarche conquérante, au rire vengeur?
Je suis bouleversée.
Il m’attire vivement contre lui et mon corps résiste tout d’abord, conscient de la présence de la jeune femme, légèrement en retrait sur ma droite qui ne perd rien de la scène.
Dans un flash, je revois l’instant coup de poing où j’ai aperçu Jean-Louis à un stand de tir forain, non loin de mon lieu de travail.
Jean-Louis tout contre Laurence B, une avocate avec qui j’ai poursuivi mes études.
Mais ce souvenir s’estompe aussi vite qu’il a surgi et, c’est plus fort que moi, je m’incline vers Jean-Louis.
Entourant ses épaules de mes bras je ne peux m’empêcher de lui glisser tout bas :
« Je t’aime tant… ».
« Je voudrais de toi de l’eau, des vitamines…un baiser. »
Ces premiers mots d’une chanson de Jean-Louis Murat me replongent au plus fort de notre amour.
Un bonheur immense qui efface toute notion du temps me submerge.
Le bonheur de l’Eternel Retour, tellement fort qu’il … me réveille.