In memoria di me
film de Saverio Costanzo
Synopsis :
En pleine crise existentielle, Andrea, jeune homme séduisant et intelligent, décide d’entrer au noviciat jésuite, une période de recueillement spirituel avant la prêtrise, durant laquelle il expérimentera son aptitude à rejoindre l’ordre.
Alors que les prêtres lui enseignent les fondements de la foi, Andrea découvre les dessous de cette communauté religieuse de prêtres et novices réunis dans le silence et la prière. Le Monastère devient un personnage à part entière dans lequel chaque regard, chaque son suggère un mystère. D’autant plus que les novices, s’efforçant de s’abandonner eux-mêmes afin de trouver leur foi en Dieu, sont appelés à dénoncer le moindre signe de faiblesse de leurs camarades.
Pour Andrea, la vie de prière, de rituels et les heures de lecture se déroulent sous le sceau de la surveillance et du questionnement permanent. Malgré le soutien du Père Supérieur, Andrea se perd sans sa quête mystique et est sur le point de quitter l’ordre.
Une décision à laquelle bien d’autres se sont heurtés avant lui...
Entretien avec le réalisateur :
IL MANQUE UN MAILLON DANS NOTRE ADN
IN MEMORIA DI ME parle de l’obstacle à franchir pour atteindre la foi absolue, en particulier pour les gens qui se consacrent exclusivement à Dieu. C’est l’histoire d’Andrea, un jeune homme qui semble avoir tout ce qu’il faut pour être, ce que l’on appelle, un "battant". Il est intelligent, à l’aise en société, beau. Il a atteint un âge où il doit faire des choix qui seront décisifs pour le reste de sa vie, mais la multiplicité des choix ne fait que le paralyser. Pour Andrea, le succès n’est pas suffisant. Il veut plus. Il veut une raison suffisamment solide pour pouvoir sacrifier la liberté superficielle de sa génération. Il veut transformer sa vie en une expérience qui lui soit propre, mais il n’arrive pas à trouver sa voie. Je me sens proche d’Andrea dans ce sens et en terme générationnel. Une sorte d’incapacité, d’impossibilité à choisir une voie définitive : se fixer avec une personne, un travail, un mode de vie. C’est comme s’il manquait un maillon de notre ADN. Nous avons suivi nos désirs et nous nous retrouvons aujourd’hui dans les limbes de l’adolescence éternelle.
UN CHOIX, UNE METAPHORE DE VIE POUR . Je pense que l’initiation à la vie religieuse peut être une métaphore des choix décisifs de notre vie. Dans IN MEMORIA DI ME, Andrea décide d’entrer au noviciat, une période d’expérimentation avant de devenir prêtre. Andrea commence une vie quotidienne caractérisée par la vie en commun, une petite chambre, le silence et les lois de la communauté. Constamment sous surveillance des Supérieurs, Andrea apprend les lois fondamentales afin de devenir un homme de Dieu, un enchaînement ininterrompu de hauts et de bas. Celui qui aspire à une foi indéfectible doit renoncer à sa propre nature et combattre les démons toujours prêts à le tenter.
LE PERE SUPERIEUR A travers cette expérience, Andrea découvre qui il est vraiment, alors que sa vie antérieure s’efface. Dans leur combat, les novices doivent apprendre à "se perdre" afin de trouver leur route vers Dieu, dans un procédé basé sur la totale dévotion aux Pères Supérieurs. L’obéissance absolue n’est pas une mission aisée et plus l’esprit est riche, plus la rébellion est prégnante. Les règles sont souvent incompréhensibles et cruelles. Andrea est fortement soutenu par le Père Supérieur qui devient rapidement son point de référence. Aujourd’hui, plus personne n’a de maître spirituel, ni de personne à suivre.
VIVRE ENSEMBLE DANS LE SILENCE Dans un lieu où tout le monde vit côte à côte sans se parler, je me suis retrouvé à être plus attentif, à noter le moindre détail. Quand on ne peut communiquer avec des mots, on découvre que l’on doit vraiment regarder les autres. Assez bizarrement, quand on ne se parle pas, les relations ont l’air plus vraies, plus qu’avec la parole. J’ai utilisé cette situation pour ajouter de la tension dans mon film. Quand Andrea arrive, tout le monde s’intéresse à lui parce qu’il est nouveau. Tout le monde l’observe avec curiosité.... Il y a des tensions dans la communauté car les novices sont encouragés à se dénoncer les uns les autres. Dans un bureau, si je vous dénonce au patron, je serai considéré comme un salaud. Mais, dans ce genre d’univers où tout est question d’entraînement spirituel, la dénonciation peut être positive. Etre capable d’accepter ses erreurs et la critique. Cela peut aider.
ANDREA ET ZANNA Andrea se lie d’amitié avec un autre novice, un rebelle, Zanna. Zanna est un jeune homme habité par la foi et par Dieu, avec qui il entretient une relation directe, sans aucune influence possible de l’institution ou des Supérieurs. Zanna accuse le noviciat et l’Eglise elle-même de vouloir reproduire les règles du monde contemporain dans ses propres institutions. Il les accuse d’utiliser le mot Dieu afin de prendre le pouvoir sur les hommes. Andrea est profondément touché à chaque rencontre avec Zanna, il réalise que son ami est entièrement dévoué à ses croyances, alors que lui semble feindre. Andrea voudrait ressembler plus à Zanna, mais il en est incapable. Les succès d’Andrea et les échecs de Zanna n’arrivent pas non plus à calmer ses angoisses. Chacun doit suivre sa propre voie vers Dieu... La lutte entre les deux personnages représente la lutte interne de chacun à la recherche de sa foi. Je crois que la foi a rapport avec la connaissance de soi. A partir du moment où vous vous connaissez vous-même, vous pouvez croire à quelque chose ou à vous-même.
L’EXPERIENCE SPIRITUELLE Je n’ai pas fait beaucoup de recherches car je ne suis pas très attaché au réalisme. Malgré tout, j’ai expérimenté, avec les acteurs, des exercices spirituels basés sur les enseignements de Ignazio de Loyola, le fondateur de l’ordre jésuite. Nous sommes allés dans sa grande maison, accompagnés d’un guide spirituel, et avons passé 8 à 9 jours dans le silence complet, avec une heure de méditation quotidienne. Au bout de 4 jours, on voudrait se suicider, mais les choses commencent à s’arranger le cinquième jour. Puis les choses redeviennent difficiles le sixième jour, mais à la fin, on se sent plus fort. C’est une expérience inracontable qui m’a fait prendre conscience que je n’avais rien compris. Même si on croit en Dieu, cet exercice spirituel est une vraie expérience. Il vous force à vous confronter à vous-même de manière honnête. Tout, dans IN MEMORIA DI ME, vient de cette expérience. Mais je n’ai pas voulu faire un travail documentaire, j’ai voulu faire un voyage spirituel.
INTERIEUR ET INSTITUTION Le grand couloir est aussi un personnage du film. Pour moi, le couloir représente ce qu’il se passe à l’intérieur d’Andrea. C’est son âme. Le couloir fait partie d’Andrea et Andrea fait partie du couloir. La lumière change fréquemment dans le couloir. Elle change en fonction de la dramaturgie, de la direction que prend Andrea. Si Andrea est dans le couloir, alors, la communauté, l’institution sont dans le réfectoire. Il n’y a que dans le réfectoire que tout le monde est réuni. La mystérieuse porte de l’infirmerie peut aussi être perçue comme un autre personnage inanimé.
SILENCE ET MUSIQUE J’ai essayé de me tenir au silence. Le personnage principal ne parle pas beaucoup. Mais le public peut avoir l’impression que le film n’est pas silencieux à cause de la musique. Dans tous les cas, il y a une énorme différence entre un monastère de moines et un noviciat de prêtres. Les novices font des études intellectuelles, philosophiques, théologiques et ils parlent durant les scènes de classe. Comme on peut le voir dans le film, beaucoup de communautés religieuses passent de la musique pendant les repas. Cela les empêche aussi de parler. Il vous suffit de manger avec vos frères. La musique que nous avons utilisée pour ces scènes est loin d’être religieuse. La valse fait plus communément référence au plaisir et à l’amusement.
SPIRITUELLEMENT UNIVERSEL Je n’ai pas eu besoin de préciser que l’on était dans un ordre catholique, car tout dans le film est catholique. Si vous venez d’un pays où l’Eglise n’a pas une place prédominante, vous trouverez ce film moins politique. En même temps, je pense que le film est spirituellement universel. On ne voit pas de rayon divin traverser le ciel dans le film. Les personnages sont des gens ordinaires qui luttent et c’est ce combat qui, pour moi, est le symbole de la foi véritable... Je ne me considère pas comme quelqu’un de religieux, mais j’essaie malgré tout de croire à quelque chose. J’espère que mon film parlera à tout le monde, religieux ou non, car il s’intéresse à l’humain.
EN ACCORD AVEC LE LIEU DE TOURNAGE Pour ce genre de film, le lieu de tournage est une question essentielle. Nous avons tout tourné à Venise sur l’île de San Giorgio Maggiore. Je voulais trouver un endroit et adapter le tournage à ce lieu. Je voulais que le film grandisse dans le lieu, j’ai donc changé beaucoup de choses sur le plateau. Je voulais voir où le film m’entraînerait, je me suis donc laissé faire par le décor. Ce n’est pas une priorité pour moi de respecter le scénario. Je préfère un procédé plus créatif. Quand je travaille dans un lieu unique, je me sens plus libre, même si l’espace est clos. Cela n’a pas été facile de tourner dans ce lieu historique, mais ça valait le coup d’avoir un tel décor. L’église du film est toujours utilisée pour les offices d’une petite communauté de moines. L’ancien monastère est aujourd’hui entretenu par une fondation privée qui y organise des événements.